Le 4 août dernier, la Chine a lancé des exercices militaires de grande ampleur au large de Taïwan. Des manoeuvres qui interviennent en représailles à la visite de Nancy Pelosi, la Présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, à Taipei, la capitale taïwanaise. Si les tensions sont importantes, et ont monté d’un cran depuis plusieurs jours entre les deux nations, la réalité sur le terrain est pour le moment loin de l’état de guerre que certains médias veulent faire croire. Cependant, cela n’empêche pas que l’inquiétude est présente chez beaucoup de Taïwanais. Carl Pelletier, Québécois vivant à Pingtung dans le sud de l’île et Ophélia, jeune taïwanaise (prénom modifié pour des raisons de sécurité), se sont confiés aux Informés d’Alsace.
Présent depuis 2011 à Taïwan, Carl Pelletier confie son sentiment sur l’escalade de ces derniers jours. “Je vis ça avec un peu d’incrédulité, de nonchalance et d’inquiétude“ nous confie t-il. Séparé de la Chine par le détroit de Taïwan, l’île doit faire avec un voisin influant dans la région et très hostile. D’un point de vue économique, Taipei est quelque peu dépendante de son voisin. Un aspect qui inquiète également les Taïwanais “les gens sont inquiets, ils ne faut pas se le cacher. Avec un voisin comme la Chine, notre économie reste un peu dépendante“ avoue Carl Pelletier.
De son côté, Ophélia se montre un peu plus inquiète “je ne peux pas dire pour tout le monde mais je pense que la plupart des personnes sont toujours inquiètes que la Chine fasse quelque chose. Depuis la visite de Nancy Pelosi, beaucoup de personnes sont inquiètes de la situation et ont peur que la Chine passe à l’action pour attaquer Taiwan.“
Loin de l’état de guerre
Chaque tension diplomatique amène son lot de fausses informations, pour preuve le conflit entre la Russie et l’Ukraine. Depuis l’escalade des tensions sino-taïwanaises, nombreuses sont les “fakes news” a affirmé que Taïwan est en état de guerre et d’alerte générale. Plusieurs images ont circulé sur les réseaux sociaux montrant les Taïwanais se préparer à une invasion imminente de la Chine. Il n’en est rien sur le terrain selon Carl Pelletier “les gens ont compris que la Chine n’attaquera pas. Personne ne se cache pendant cet exercice militaire chinois “. L’expatrié québécois ajoute même qu’un assaut chinois est très peu probable “Le D-day… (ndlr débarquement américain de 1944) 115000 soldats ont été mobilisés pour 80 km de berge. Ici, c’est 1500 km, 23 millions d’habitants, et assez d’armement pour couler n’importe quel navire de débarquement. La Chine le sait, sinon elle serait passer à l’action bien avant“.
Ophélia indique une plus grande inquiétude quant à une éventuelle invasion de l’armée chinoise “J’espère toujours que ce jour n’arrivera jamais, mais cela m’inquiète quand même. On ne sait jamais ce que la Chine prévoit de faire”. La jeune taïwanaise est également inquiète pour l’avenir de son pays. En effet, contrairement à la République Populaire de Chine, Taïwan est un état très démocratique qui respecte les libertés de chacun. “Oui, je suis inquiète mais je pense que ce sujet n’est pas seulement un sujet entre Taiwan et la Chine. C’est un sujet entre tous les pays car Taiwan est un pays totalement démocratique et on a le droit d’exprimer tout ce qu’on veut, comme par exemple le mariage homosexuel.
Nous pouvons penser librement avec une parole libre. D’ailleurs, nous avons également une technologie avancée grâce à TSMC notamment. Il y a 70% de la production de semi-conducteurs qui vient de Taïwan. La compétence économique de Taïwan possède une très importante position, ainsi, si la Chine conquiert Taïwan, la relation économique sera totalement détruite. Malgré le fait que je m’inquiète, je pense que les grands pays démocratiques doivent faire quelque chose pour aider Taiwan sinon c’est laisser le parti communiste chinois gagner. En tant que Taïwanaise, j’ai envie de continuer d’être dans un pays démocratique, je n’ai pas envie de revenir à des périodes anciennes sans démocratie. Je crois que personne n’a envie de vivre dans le passé” nous avoue Ophélia.
Une communication transparente
Taïwan est un État de droit où rien n’est caché à la population. Contrairement à la Chine, qui y va à coup de propagande dans cette crise, le gouvernement taïwanais mise sur la transparence de l’information envers ses citoyens. “On nous transmet l’information assez rapidement après analyse afin de répondre aux question des journalistes. La présidente, Tsai Ing-wen, fait preuve de professionnalisme et de maturité ” précise Carl Pelletier. Une information que confirme également Ophélia “à Taiwan il n’y a rien à cacher, on connaît toutes les choses, Taiwan est un pays très libre et démocratique, surtout en Asie. Toutes les informations sont ouvertes, rien n’est caché”.
Vers une accalmie ?
Alors que les exercices militaires de Pékin devaient prendre fin ce dimanche, le commandement chinois a annoncé ce lundi poursuivre les manoeuvres dans le détroit de Taïwan. En parallèle, l’armée taïwanaise réalisera des simulations à balles réelles de tirs d’artillerie ce mardi et jeudi. La situation n’est donc pas dirigée vers une diminution des tensions pour le moment. Un phénomène qui ne durera pas selon Carl Pelletier “ça va se calmer dans quelques semaines. La Chine craint ses clients, l’ouest, qui vont lui rappeler bientôt que la Chine à besoin d’eux afin de maintenir son économie à flot. Bien sûr, rien ne sera plus comme avant. Ici, on sent comme une naissance, comme si Taïwan existe enfin. Ça risque de frustré le parti communiste, mais bon…“.